le souffle. Un tempo de rythme cardiaque, irregularites incluses. Cette circulation des imaginaires, des inconscients, a les angelots en p?moison. Tous les pianistes jetables, ils n'ont pas a se avec leur instrument, tous les jeunes pianistes aiment en trio.
Mais a Chick en trio, macache. Pas seulement en raison de son enregistrement avec Miroslav Vitous (double bass) et Roy Haynes (batterie), Now he Sings, Now he Sobs, le 14 mars 1968. Mais parce que son air de jeune homme en jeans - il est ne en 1941 -, son , sa classe tranquille, dissimulent a peine la qualite du classique que personne ne peut plus . Sans que, de Red Mitchell a Miles Davis en passant par Return To Forever, de duos - avec Keith, avec Herbie, avec John McLaughlin - en concertos, Chick Corea aura rempli un dico du nom de ses partenaires.
Un pipeau en si bemol a la brocante du coin
Qu'il aligne La Fiesta ou Milestones reste anecdotique. La colonne vertebrale faisant ventouse, les mains bien a plat, Chick Corea offre en souplesse un swing de forge. Sertissant autant de bijoux que lui en servent ses deux alter ego. ? que vous vous reviez une carriere de pianiste - le double queue, le projecteur sur les boucles, tout ?a -, sortez du trio de Chick, hop, vous plaquez tout. Encore heureux si vous degotez un pipeau en si bemol a la brocante du coin, pour La Cucaracha.
Mais, a que vous incombe la charge de le festival de Monte-Carlo, vous evitez de un autre batteur que Brian Blade, le batteur de Chick Corea, a la meme affiche. Pourquoi ? Parce que dans le precis, discret, modeste, inaper?u, vous ne trouverez jamais mieux. Jamais cette lumiere de frappe, de brosses, de cymbales, ce tempo glisse sous les bruissements d'automne, cette economie de moyens, cette musicalite de chaque instant. Brian Blade (ne a Shreveport, Louisiane, en 1970) a beneficie des enseignements des musiciens qu'aimait le pere de Chick Corea.
Autant que le batteur de Diana Krall (le lendemain, 23 novembre), gilet et col casse of course, avec sa grosse caisse patinee par des decorateurs precieux, assez grosse pour Gargantua a La Nouvelle-Orleans, avec son drumming de charpentier, n'a aucune chance dans la trace laissee la veille par Brian Blade sur la scene de l'Opera. Voici bien un fantasme critique, que d'ecouter les sons comme s'ils se poursuivaient sur le manege des : Nijinski, Diaghilev, Sonny Rollins, Brian Blade. Fantasme que les musiciens connaissent pourtant sur le bout de leurs baguettes chinoises.
Science des rythmes et elegance du geste
Diana Krall, formidable actrice du chant et du piano, a toujours aime, dans ses recitals, ici ou la quelque discret hommage au style qu'aimait tant son pere : le stride, le ragtime, cet art du piano - Pinetop Smith, James P.Johnson, Fats Waller, Willie The - qui tient de la science des rythmes et de l'elegance du geste. Elle en conna?t authentiquement tous les ressorts. Ce n'est pas ce qu'elle joue le mieux. Elle le sait, sans doute. Histoire de peres.
Tous les pianistes aujourd'hui y vont de leur hommage au stride. Il est plus facile a un poete de pacotille de un sonnet qu'a un pianiste moderne de s'y . Le dernier album de Diana Krall, Glad Rag Doll (Verve Music), est trousse sur cet hommage. Elle s'en amuse et elle a bien raison. L'album est plus reussi que sa scenarisation. Lors meme qu'elle s'est toujours defendue de cette representation qui lui va a , la couverture la montre plus que "sexy". Mais c'est un style d'epoque, on ne va pas , la semiologie a ses limites.
Le plus surprenant, ce sont les tics de production. Instrumentaire fouillis sur scene, eclairages precieux, volonte deliberement kitsch, y compris dans le son, parlote demesuree non sans charme, echange inattendu, tiens, avec un spectateur m?le qui a tout d'un "baron" de cabaret - exactement, a la minute pres, comme Melody Gardot, le 7 novembre, a l'Olympia de -, tout est minutieusement calcule, jusqu'a la desinvolture.
S'ils suivent, ils sont morts
Scenographie glamour chez Gardot. Scenographie "annees 1920" chez Diana Krall, en style de regression amusee. Decidement, on aura ete bien injustes avec les des annees 1960 en France, et le dixieland frelate dont on se sera crus definitivement laves.
Les chanteuses douees de 2012 reinventent le music-hall. Bonne nouvelle ? Signe des temps ? Sympt?me ideologique ? Pour l' du disque, les chanteuses a succes drainent ce qu'il reste du jazz-business. Parfait. Reste a comment les musiciens enregistres, ou ce qu'il en reste, reagiront. S'ils suivent, ils sont morts. S'ils se manifestent, l' nous appartient. Comme au debut des annees 1960? D'une autre fa?on, sans doute.
Diana Krall egraine ses chansons sur un fond d'ecran gigantesque. Films. Ses chansons, sur album, sont belles. En particulier, We Just Couldn't Say Gooddbye, Just Like a Butterfly, ou Prairie Lullaby. En revanche, Lonely Avenue ou On The Sunny Side Of The Street qui ne figure pas dans l'album, frisent la faute professionnelle, la faute d'interpretation, pis encore, la faute de go?t. On n'en dira pas plus. Les images qui defilent en boucle (donc, elles ne sont pas faites pour etre vues), distraient du groupe instrumental (donc, il n'est pas fait pour etre ecoute). Le tout suscite un assentiment joyeux qui ne saurait etre discute. Ne disons donc rien du detournement choquant de certaines images (Metropolis de Fritz Lang) qui releve, on prefere le , d'une jovialite puerile sans consequence.
Le plus curieux, c'est When The Curtain Comes Down, assez reussie sur l'album, presque poignante, ici utilisee en ouverture du show. Qu'il y e?t, sous les ors, les stucs, les anges et les lustres, plantage dans le lancement des images, peu importe. Le sens de l'ensemble etait, comme une messe, dit. Le reste suit. Y compris le piano droit, faux a , avec sa trappe cocasse pour les liqueurs ( Melody Gardot et son globe terrestre ouvrable sur une coupe de champagne), le violon a pavillon qui patientait dans l'ombre, enfin sollicite au rappel et tout le toutim.
Au deuxieme rappel, il y en aura trois ou quatre, Diana Krall chante Tom Waits, assise sur un tabouret. Simple duo pour soutien. La, elle sonne. Elle sait. On la retrouvera donc, selon prochaine production et prochaine angoisse de production. On a tout le temps.
Ah oui. Pourquoi l'incomparable ? Diana Krall, Melody Gardot (Anita O'Day, Carmen McRae, Mary Stallings, etc.) ? Parce que s'il s'agirait de ne que du comparable ? ? quoi bon ? Tant qu'a , il ne faudrait pas Melody Gardot le 7 novembre, Diana Krall le 25, et au milieu, Les Trois S?urs de Tchekhov mis en scene par Lev Dodine, a la MC93 de Bobigny. Ou alors, se , le 26, a la television, devant Michel Sardou et Celine Dion. La, oui, Diana Krall se retrouve justifiee. Meme avec ses images qui http://timberlandhomme.euoti.org/ |
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